La perte de jumeaux ou de triplés








 Un dépliant destiné aux parents et leur famille qui ont vécu la mort d’un ou plusieurs bébés jumeaux, triplés ( ou plus ) pendant la grossesse, à la naissance ou durant l’enfance.

 
Pour ceux qui désirent des enfants, une grossesse multiple s’avère un évènement très spécial. Pour beaucoup de parents qui apprennent qu’ils attendent des jumeaux ( ou plus ), c’est comme avoir le billet gagnant à la loterie et c’est pour eux la journée la plus excitante, la plus mémorable de leur vie. Ils éprouvent souvent des sentiments ambivalents reliés aux  différentes réalités comme l’accouchement, les soins à donner et au fait de devoir s’occuper de plusieurs enfants à la fois. Tôt ou tard, la plupart des parents sont très enthousiastes à l’idée de voir arriver leurs enfants et de devenir parents de multiples bébés.
 

Beaucoup apprécient le statut de prestige qu’apporte le fait d’être de futurs parents de  bébés multiples. Que la grossesse soit voulue ou non, qu’elle soit le résultat d’une procréation naturelle ou le fruit de longs mois de traitements de fertilité, les préparatifs pour ces « petits cadeaux du ciel » deviennent le but principal de la vie des futurs parents.


Grâce aux nouvelles technologies, nombreux sont les parents qui apprennent tôt durant la grossesse qu’ils attendent plusieurs bébés. Les parents créent alors un lien d’attachement très fort avec chaque bébé et ce même avant l’accouchement grâce aux monitorings et échographies. C’est fréquent de voir les bébés avoir leur nom tôt durant la grossesse et les parents préparent rapidement tout ce qu’il faut pour leur arrivée à cause des risques de prématurité. Même si la grossesse multiple n’a pas été diagnostiquée avant la naissance, la nouvelle a le même impact émotif pour les parents.


La perte


Le décès d’un ou de tous ses bébés est dévastateur comme personne ne peut se l’imaginer. À cause du risque plus élevé de complications médicales chez les grossesses gémellaires, plusieurs parents vivent le décès d’un ou de plusieurs bébés. Le décès peut survenir durant les 20 premières semaines de grossesse ( communément appelé une fausse-couche ),  après une naissance prématurée de plus de 20 semaines de gestation, in-utéro ou après la naissance. Plusieurs raisons peuvent causer le décès soit des problèmes congénitaux, des conditions maternelles, le syndrome transfuseur-transfusé ou d’autres complications survenant chez des bébés identiques ou encore suite à un traumatisme à l’accouchement. Certains bébés décèdent in-utéro près de la date prévue d’accouchement pour des raisons inconnues et occasionnellement les jumeaux sont victimes du SMSN

( syndrome de mort subite du nourrisson ), d’une maladie ou d’un accident. Quelques fois les décès surviennent simultanément et d’autres fois après quelques semaines ou quelques mois à espérer qu’au moins un de leurs bébés survive.
 

Il peut arriver que les décès surviennent à des moments différents et/ou pour des causes différentes ( comme un décès à la naissance et un SMSN chez des jumeaux; ou une fausse-couche, un problème à la naissance combiné à un accouchement prématuré chez des triplés ). Ce sont des risques plus élevés dont les parents n’ont pas été mis au courant lors de l’euphorie de l’annonce de la grossesse gémellaire. Personne ne peut vraiment imaginer la désolation que provoque la mort de deux, trois ou de tous ses bébés survenant sur une période s’étalant de quelques heures, jours, semaines ou mois. Il faut avoir aimé, espéré et rêvé pour deux bébés, trois bébés ou plus à la fois pour vraiment pouvoir comprendre l’étendue de la dévastation des pertes.

 
À l’hôpital

 
Que les bébés décèdent au même moment, à la naissance ou par la suite, les parents ont besoin d’avoir toutes les opportunités de voir, de prendre leurs bébés et d’avoir des souvenirs d’eux. Les parents ne devraient jamais se sentir pressés lorsqu’il s’agit de faire leurs adieux. Ce sont leurs besoins et leurs droits de prendre leurs bébés, ensemble si possible, aussi souvent et aussi longtemps qu’ils le désirent durant les jours qui suivent. On devrait également leur permettre d’inviter les membres de la famille ( incluant la fratrie, même les plus jeunes ) et les amis pour qu’ils puissent voir et prendre les bébés à leur tour. Les parents apprécient énormément ces moments précieux pour des années à venir, même si c’est douloureux sur le moment. C’est aussi très important pour les parents de ne pas être bousculés dans les prises de décisions qui peuvent être accablantes. On pourrait considérer le fait de demander à la famille de se choisir une personne de confiance pour les aider  et les guider dans la prise de décision finale qui leur reviendra.

Voici quelques aspects importants à considérer: 

Avoir plusieurs photos des bébés, ensemble si possible. Ils peuvent se toucher les mains, être dans les bras des parents ou encore porter des vêtements choisis par les parents. Ces photos peuvent être prises par les membres de la famille et/ou le personnel hospitalier et le développement des photos devrait nécessiter une attention toute particulière. L’enregistrement d’une bande vidéo est grandement recommandée ainsi que de se procurer les enregistrements des échographies antérieures ( si elles existent ).

Donner un nom à chaque bébé ( même si la grossesse était inférieure à 20 semaines de gestation ). Ceci est très significatif pour les parents et aidant à travers le processus du deuil. Certains parents choisiront de garder les noms prévus durant la grossesse tandis que d’autres préfèreront garder les noms choisis pour des enfants vivants qui naîtront lors de prochaines grossesses.

Les décisions entourant les arrangements funéraires ( inhumer ou incinérer les bébés ensemble ). Plusieurs parents ont trouvé du réconfort sachant que leur jumeaux étaient, d’une certaine façon, réunis. Même si un des bébé est déjà enterré, il peut être possible ( après discussion avec le directeur de funérailles ) de les réunir par la suite. Une famille avait même choisi d’incinérer les bébés séparément et les cendres de chacun des bébés avait été placées respectivement dans les bras du grand-père décédé plus tôt dans l’année. Si les parents ont été dans l’incapacité d’assister à l’enterrement d’un des bébé décédé avant l’autre ( soit parce la condition de l’autre nécessitait leur présence ou parce que le corps a été pris en charge par l’hôpital ), il demeure important de trouver une façon d’inclure le premier bébé décédé dans le service funéraire et l’enterrement. L’enterrement et/ou le service commémoratif peut être fait à l’extérieur d’une maison funéraire, plusieurs options s’offrent aux parents; à l’église, dans la maison familiale ou chez la parenté, dans un parc,…Malgré le fait que les deux parents étaient des directeurs de funérailles, un couple qui venait de perdre leur triplés avait choisi d’emmener leurs bébés à la maison et de faire un service en présence de plusieurs membres de la famille et des amis.

Plusieurs parents ont trouvé une très belle façon d’honorer la mémoire de leurs bébés à travers des faire-parts permettant du même coup d’informer les gens de ce qui s’est passé, des sentiments vécus par les parents ainsi que leurs besoins. On peut se procurer des exemples en contactant CLIMB.

Savoir si les jumeaux ou triplés étaient identiques ou non-identiques aident les parents à se faire « une image » de leurs bébés et de s’informer sur les risques éventuels lors de grossesses subséquentes. Même après des traitements de fertilité, les bébés peuvent êtres identiques. Une demande doit être faite dans les jours qui suivent pour le savoir car il sera généralement impossible de le déterminer plus tard. Il faut même parfois insister, lorsque ces bébés sont de même sexe. Il deviendra également important pour les parents de connaître la cause du décès et d’obtenir des réponses aux questions qu’ils se posent.



Le retour à la maison :  les premières semaines et les premiers mois



« Le silence était assourdissant » est l’expression utilisée par une mère pour exprimer son retour à la maison. Il n’existe aucun mot pour décrire le sentiment de vide et la dévastation de revenir à la maison sans bébé. Après les premiers jours ou premières semaines, le choc et le déni s’estompent pour faire place à un grand vide. C’est souvent au moment où l’entourage s’attend à ce que les parents « reviennent à la normale ». C’est souvent aussi le moment où la mère doit retourner sur le marché du travail alors qu’elle avait, peut-être, planifié ne pas y retourner pour demeurer auprès de ses bébés. Le travail et les autres activités peuvent être distrayants pour un bref moment, mais ils sont très stressants et n’amoindrissent aucunement le deuil. Les pères peuvent également traverser une période très difficile car la naissance de ses bébés les a rendus bien réels. Il peut sentir qu’il a failli dans son rôle de protection au niveau des bébés en n’ayant pas été capable d’empêcher leur mort et aussi au  niveau de sa conjointe qu’il n’a pas su protéger contre cette perte et le deuil. Plusieurs pères font des efforts pour ne pas parler de leurs bébés ou pour ne pas montrer leurs émotions espérant que de cette façon ce sera plus facile.

C’est très important pour la père autant que pour la mère de se trouver une personne qui puisse les comprendre et avec qui ils pourront parler librement de leurs bébés. Les deux parents ont à faire connaissance et à faire leurs adieux à deux bébés, trois bébés ou plus et ont besoin de chaque opportunité d’être en relation avec chacun d’eux ainsi qu’avec tous les bébés réunis. Les parents ont besoin de pouvoir exprimer la myriade d’émotions qui les submergent ( ex : la culpabilité, la colère, les frustrations… ). Les groupes de soutien au deuil périnatal peuvent être très aidants, n’hésitez pas à contacter la personne responsable du groupe avant de vous y rendre pour en discuter. Se trouver un ami ayant vécu la perte de jumeaux, triplés ( ou plus ) soit par l’entremise du groupe de soutien ou par le biais de CLIMB est un moyen qui en a aidé plus d’un. Il est important d’en parler avec les membres de la famille et les amis pour leur donner l’opportunité de pouvoir vous comprendre et d’être supportants. S’ils en sont incapables, alors tournez vous vers des gens qui le seront. Avoir des sessions de consultation avec un professionnel est aussi une bonne façon de s’aider. Il n’est pas nécessaire d’avoir l’impression de « perdre la carte » pour bénéficier de ces services; le décès de deux bébés ou plus est une raison suffisante pour consulter.



Les bébés issus de traitements de fertilité



Plusieurs parents ont passé à travers des mois voire même plusieurs années de tentatives de conception et possiblement aussi cinq ans ou plus de traitements de fertilité dont, entre autres, la fécondation in-vitro. Ils peuvent avoir déjà vécu des fausse-couches ou d’autres pertes incluant des pertes de grossesses multiples. Ils peuvent également avoir eu à prendre une décision concernant la réduction d’embryons pour laisser plus de chances de survie aux autres bébés ou encore ils ont refusé la réduction.

Pour certain parents, d’avoir une famille instantanée en ayant plus d’un bébé à la fois était pour eux un signe qu’ils étaient vraiment destiné à avoir une famille. Après la perte, ces parents se demandent s’ils seront parents un jour ( ou s’ils le seront encore ). Une certaine culpabilité d’avoir essayé si fort pour finir par vivre un deuil peut s’installer. Pour d’autres, le fait d’avoir vu leurs propres bébés après tant de temps les poussent à réessayer de nouveau cependant la colère de devoir recommencer tous les traitements de fertilité, alors qu’ils pensaient ne plus devoir passer par là est bien présente. Un couple disait : « Dans le deuil, ça devient d’une certaine façon plus facile plus les mois passent tandis qu’avec l’infertilité, ça devient de plus en plus difficile à chaque mois ».


Les grossesses suivantes


Malgré le fait que la grossesse multiple n’était pas planifiée, la plupart des parents vont vouloir une autre grossesse et vont avoir un autre enfant aussitôt qu’ils seront capables.  Il n’y a pas de formule magique, chaque situation est unique mais il est important que la mère se sente prête physiquement et émotivement pour entreprendre une autre grossesse. Pour les couples ayant subi des traitements de fertilité, il y a beaucoup de craintes fondées concernant le fait de revivre une grossesse multiple ou encore de ne plus être capables de concevoir un enfant. Pour les parents qui étaient à leur première expérience de grossesse lors de la grossesse multiple ont quand même une idée de ce qui serait à surveiller médicalement lors d’une grossesse simple. Beaucoup de soutien de l’entourage peut être nécessaire lorsqu’il vient le temps de prendre la décision concernant une grossesse subséquente quand c’est possible d’en avoir une autre.

Sans prendre la place de ou des enfants décédés, lorsqu’il est possible de vivre une naissance d’un bébé par la suite ( après une grossesse anxiogène et quelques fois au repos complet avec ou sans d’autres traitements ), l’expérience est remplie de joies et amène un certain équilibre dans l’expérience de devenir parents. Le nouveau bébé est à la fois merveilleux mais peut ramener également toutes les « pourquoi » restés sans réponses.

 

En souvenir des bébés


Plusieurs façons de se rappeler leurs jumeaux ou triplés ou de les inclure dans leur famille à jamais ont été trouvées par les parents dont en voici quelques unes : une bague, un collier avec leurs noms ou des pierres de naissance ou empreintes de pieds…une peinture à partir des photos ou des souvenirs…un arrangement de photos ou un travail d’artisanat placé dans la maison…parler des bébés avec leurs enfants ( plus vieux ou plus jeunes ) et les inclure d’une certaine façon dans les occasions familiales spéciales…animer un groupe de soutien ou aider les autres…planter des arbres côte à côte à la maison et les regarder grandir à travers les années,…

Il est important pour chaque famille de se trouver une façon bien à elle qui sera significative. Quelques uns vont oublier leurs jumeaux ou vont prendre pour acquis la fragilité de la vie mais avec du temps et du soutien, le souvenir des bébés fera partie de leur vie.






Texte traduit par Manon Cyr en 2004 à la demande de l'organisme CLIMB 
©CLIMB (Center for Loss in Multiple Birth)